|
| Auteur : | allucine |
Sujet : | DERNIER DES HOMMES (LE) |
Date : | 11/02/2005 à 20:17 |
Aucune autre oeuvre que DER LETZTE MANN n'est à ce point considérée comme l'apogée et la perfection des classiques allemands du muet. Dans la mesure où le film oppose deux sphères sociales fondamentalement différentes, il récupère les thèmes de base du film expressionniste et les relie au principe du Kammerspielfilm, qui est caractérisé par un travail psychologique pénétrant et par l'unité de lieu, de temps et d'action. On a renoncé à tout intertitre, les liaisons purement visuelles relient les différentes séquences de l'intrigue. Une des caractéristiques du Kammerspiel est également le nombre réduit des personnages. Dans DER LETZTE MANN, tous les personnages, à part le portier, sont sans relief ni contours. Les voisins de l'immeuble de même que les clients anonymes de l'hôtel ne commencent à exister qu'à partir du moment où le portier entre dans leur entourage.
Ce film est soumis à une logique inéluctable qui reflète l'aspect fondamental de la tragédie d'un homme pour qui son uniforme vaut plus que sa vie. Le film se terminait à l'origine avec l'espoir brisé et l'humiliation du portier vieillissant. Mais un épilogue a été rajouté, que l'on doit comprendre comme un commentaire ironique sur la mode des "happy-end" d'Hollywood de cette époque. C'est ainsi qu'apparaît un deuxième degré, dans lequel l'intrigue directe est décalée dans une intrigue indirecte, ironique et ainsi détournée de son but.
Friedrich Wilhelm Murnau, le réalisateur de ce film, compte parmi les stylistes les plus conséquents du cinéma. Il oppose aux errances de son personnage un concept dramaturgique clair et sévère. Si l'on peut reprocher aujourd'hui à ce film son rythme lent et une certaine pesanteur, cela n'est pas dû au style du réalisateur, mais au contraire aux exigences du Kammerspiel. Ici, on exige des pauses et des césures que le réalisateur obtient grâce une exagération des détails.
Ce n'est pas un hasard si Murnau a utilisé, comme premier réalisateur allemand, le concept de la "caméra déchaînée": la caméra se déplace et oscille si bien de haut en bas dans DER LETZTE MANN que le spectateur peut suivre le déroulement de l'intrigue à partir des endroits les plus différents. La caméra déchaînée permet de percevoir la rutilance de l'uniforme de même que la misère de l'immeuble et facilite au spectateur l'identification avec le héros. Le choix des différents emplacements pour la caméra suit exactement les nécessités dramaturgiques et le positionnement subjectif des personnages. C'est ainsi que le portier, tant qu'il se sent puissant, est pris en contre-plongée. Les autres personnages apparaissent comme des nains et des silhouettes en arrière-plan. Lorsque le portier est assis, effondré, dans les toilettes de l'hôtel, il devient lui-même une silhouette. Murnau maîtrise les trucages compliqués des scènes du rêve grâce à un emploi psychologiquement fondé de miroirs déformants, de lentilles déformantes et de la copie de plusieurs clichés l'un sur l'autre.
DER LETZTE MANN compte parmi les meilleurs films de toute l'époque du muet et aucun autre film n'a mieux servi le prestige du cinéma allemand. Lors de l'Exposition Universelle de 1958 à Bruxelles, il a été inscrit dans la liste des dix meilleurs films de tous les temps. Son influence se retrouve dans d'autres films ultérieurs, comme CITIZEN KANE d'Orson Welles. Pourtant, le film ne fut pas un grand succès commercial. Murnau expliquait résigné dans une lettre au producteur Erich Pommer : " Qui s'intéresse aux vieilles personnes au cinéma ? Ce que les gens veulent voir, ce sont des personnes jeunes, agréables et une histoire d'amour toute simple, et c'est aussi ce que je veux voir."
Jan Thorn-Prikker |
Titre : LE DERNIER DES HOMMES
Titre original : DER LETZTE MANN
Réalisateur(s) : Friedrich Wilhelm MURNAU
Année : 1924
Nationalité(s) : Allemand
Genre(s) : comedie dramatique
Durée : 75 Min
Acteurs principaux : Emil JANNINGS, maly DELSCHAFT, max HILLER, emilie KURZ, hans UNTERKIRCHNER
Résumé : Grâce à son uniforme imposante le portier de l'Hotel Atlantic est aux yeux de son entourage dans l'arrière cour misérable où il habite, le représentant du grand monde. Le jour où le gérant de l'hôtel lui enlève l'uniforme pour le placer comme gardien des cabinets au sous-sol, l'homme et son image s'écroulent ... à moins qu'il ne se produise un miracle.
Distribution : MK2
|
|
Forum MovieCovers - 31773. DERNIER DES HOMMES (LE) 
Retour à la liste des fils
Répondre à ce message
Modifier cette contribution
Alerter les administrateurs 
Modifier ce message (admins)
